Mémoires de Résistance
 


Mes 3 camarades sont embarqués à la prison de Toulouse. Ils seront jugés et fusillés le 19 avril 1944. Tschomino (Charles BOISARD) a eu le courage d’écrire une lettre à ses parents et à son frère (que je fais lire aux élèves de groupes scolaires).


Ma position devient intenable, la masse de sang coagulé devient verdâtre ; la balle est restée dans la plaie et la souffrance augmente. L’action du fermier (je ne connais pas encore son nom) et de sa femme est exemplaire. Un retraité de l’armée, Médecin Major, est sollicité rapidement. J’aperçois encore cet homme âgé, très digne, costume, chapeau mou. Sans m’examiner profondément il déclenche son diagnostic comme un coup de foudre : c’est la gangrène, il faut l’opérer tout de suite, sinon demain on lui coupe la jambe.


L’amas de chair avec le sang coagulé sur le pantalon, donne un spectacle peu ragoûtant. Encore une fois, le fermier a dû faire l’impossible pour me faire transporter à l’hôpital de Cahors. L’ambulancier vient me chercher et, grâce à lui, les barrages allemands se franchissent sans encombre. Et pour cause, il était avec sa fille, membre de la Gestapo française. A la libération, ils furent condamnés mais graciés pour m’avoir transporté sans me dénoncer. Il s’appelle M. TAVERNIER, exerçant la profession de chauffeur de taxi à Cahors.


Hôpital de Cahors à 70 kms de Lamagol
Opéré par le Docteur ROUGIER, chirurgien en chef et résistant, assisté du Docteur GARNAL (mort suite à sa déportation, dénoncé par Hercule), la balle fût extraite après avoir provoqué l’infection. J’apprends que l’impact se trouve entre l’artère fémorale et le nerf sciatique (je reviens de loin).


Par la suite, alité dans une chambre occupée par un maquisard blessé comme moi, mais avec en plus une balle dans le ventre, les inutiles bavardages avec leurs conséquences. Avant de mourir, le maquisard, gardé par la milice, n’a pas manqué de raconter à son gardien le détail de notre conversation.


Ayant quitté cette chambre pour une autre avec des civils, je remarque que le milicien (béret bleu, cocarde bleu blanc rouge) s’arrête devant la porte et me regarde avec beaucoup d’insistance. Il faut dire que dans le couloir desservant les chambres, la Milice, la Gestapo, les GMR (Groupe Mobile de Réserve, pire que les SS) montent la garde jour et nuit en attendant la guérison des blessés pour les expédier à Dachau ou Buchenwald.


Conséquence de mon bavardage avec le camarade blessé, les Docteurs et la Sœur Antoinette viennent à mon chevet à 8h en me reprochant mes confidences, en me sommant de partir dans la nuit. La milice me sachant là, demain l’hôpital sera à feu et à sang.

***

Page précédente - Page suivante

page 15